“Le théâtre n’est fait que pour être vu”.
Molière
INCIDENT A LA CANTINE : Sophie fait tomber son plateau-repas et le ton monte avec Eric, à tel point que Marie est obligée de s’interposer. Les élèves regardent, interloqués. « C’est une blague ! » ou plutôt, du théâtre. Pas de doute, une compagnie professionnelle est en résidence au collège Vauban.
Les élèves de quatrième le savent bien : depuis le début de la semaine dernière, tous passent entre les mains de Sophie Kordylas, Marie Forissier et Eric Prévost, à raison d’ateliers de quatre heures, pour découvrir l’expression scénique, l’art clownesque ou la mise en scène collective d’une œuvre classique. Et quand ils ne travaillent pas avec les élèves, les comédiens de la compagnie Zocha créent le spectacle qu’ils joueront quatre fois à partir du 24 novembre devant les élèves, « Molière et Racine, morts ou vifs ? ».
“Amuse-toi, c’est ce qui compte !”
Sophie Kordylas a l’habitude d’intervenir dans l’atelier théâtre de l’établissement et elle a fini par y prendre ses habitudes. Naturellement, le principal du collège, Jean-Jacques Fito, lui a proposé, en partenariat avec les professeurs de lettres, une résidence entrant dans le contrat « culture collèges » financé par le conseil général. « Ce qui signifie création et actions avec les élèves », explique la fondatrice de Zocha qui a également inscrit la compagnie dans le projet global du collège, sur l’égalité. « Nous créons ainsi des improvisations durant la résidence, comme l’incident du plateau à la cantine. Ou se percher sur des chaises dans la cour pendant la récré pour lancer des statistiques sur l’égalité des sexes, en politique, entre les peuples, et rajouter, à chaque fois : ‘’Pourquoi ?’’ »
Le défi semble, au premier abord, de taille : faire sortir de leur chrysalide des élèves de quatrième, l’année réputée la plus difficile pour les adolescents en terme d’image de soi et de vie en société, ne semble pas une sinécure. Surtout que les trois comédiens ont pris le parti que chaque adolescent doit se produire devant ses camarades. « Nous les incitons à éveiller leur curiosité », y compris de l’autre. « Il s’agit juste d’un petit voyage dans le théâtre », leur explique Eric, « s’exprimer avec son corps et avec la parole ».
Les joues rougissent beaucoup mais même les plus timides finissent par jouer le jeu. Ce qui génère des émotions fantastiques. « Ça fait du bien de se défouler », glisse Chloé, qui est devenue, le temps d’une comptine oubliée, le clown Gertrude. « Amuse-toi, c’est ce qui compte », encourage Sophie. « Ici, on n’est pas à l’école », insiste Eric. Bien sûr que si ! Et pourtant…
Karine FRELIN – Est Républicain
MIchaël Paoli : Photos