Le Collège Vauban, pionnier du numérique (Dossier)

L’établissement scolaire des Glacis est le seul de Franche-Comté à bénéficier du label « Cocon », comme « collège connecté ». À ce titre, il est parmi les (rares) préfigurateurs du plan numérique lancé en 2014.

Tous les élèves de 4 e et 5 e disposent d’un iPad qu’ils utilisent aussi bien pendant les cours qu’en dehors du temps scolaire.

En 2014, ils n’étaient que 72 collèges en France (sur 7 200). Labellisé « collège connecté », Vauban était du nombre. « Même avant ça, l’équipe pédagogique s’intéressait beaucoup au numérique », explique Jean-Jacques Fito, le principal. « Ça nous a aidés à obtenir ce label. »

Loin d’être honorifique, ce label a permis de débloquer des crédits de l’État pour équiper tous les élèves d’une tablette. « À la rentrée 2015, nous avons équipé les 5e. Ils sont restés équipés en changeant de classe. À la rentrée 2016, nous avons à nouveau équipé les 5e , qui monteront à leur tour d’un niveau. À la rentrée 2017, nous équiperons les 6e et les 5e. Ainsi, tous les élèves auront leur iPad. »

Parallèlement, le conseil départemental a financé l’équipement du collège en fibre optique et en wifi. À tout moment, pendant les cours et pendant les temps d’intercours, collégiens et enseignants sont connectés. « Sans projet pédagogique, l’équipement n’est rien », poursuit Jean-Jacques Fito. « Bien sûr, le niveau de maîtrise des outils numériques est très variable selon les enseignants. Nous aménageons d’une part des formations, d’autre part des temps d’échange. Les expériences des uns servent aux autres. »

Environnement sécurisé

Cours filmés en vidéo en allemand, création de frises chronologiques en histoire-géo… les expériences pédagogiques se multiplient. « Sans compter l’accès permanent à des ressources infinies », s’enthousiasme le principal.

« De nombreux outils pédagogiques sont aussi très ludiques », poursuit Jean-Jacques Fito. « C’est bénéfique aux résultats scolaires, notamment pour les élèves les plus en difficulté. » Pour autant, les tablettes ne sont pas des jouets. Sur leurs iPad, les collégiens ne peuvent installer aucune application sans validation du corps enseignant. Ils n’ont pas accès à tous les sites, ni aux réseaux sociaux. « Nous avons un logiciel de gestion de parc qui nous permet de géolocaliser et de bloquer à distance toutes les tablettes », prévient Jean-Jacques Fito. « Mais il faut souligner que sur environ 300 tablettes distribuées, nous avons eu zéro tentatives de vol et une seule casse, accidentelle. »

Bénéfice supplémentaire : tous les manuels sont intégrés aux tablettes en version numérique, allégeant d’autant le poids des cartables. Pour autant, le papier n’a pas disparu. Cahiers et interros écrites sont plus que jamais en vigueur. « Aujourd’hui, rien ne remplace le papier et le crayon pour structurer son apprentissage », estiment les enseignants, pourtant très portés sur le numérique, de Vauban.

Découvrir : http://college-vauban.fr/

Du temps gagné

Du temps gagné

Hélène Dubail, anglais

« En langues vivantes, l’intérêt du numérique est évident. On gagne du temps sur les cours. Les élèves peuvent avoir des activités très différentes. Nous utilisons une application dans laquelle ils peuvent s’enregistrer, avec un avatar. C’est ludique, ça règle la question du rapport à l’image qu’ont de nombreux ados, c’est beaucoup moins stressant que de s’exprimer sur une estrade. Ils me transmettent leurs vidéos et je les corrige. Nous recherchons sans cesse des applications qui peuvent les aider. Pour autant, le but est d’apprendre l’anglais, pas l’informatique. »

Classe inversée

Classe inversée

Isabelle Stock, allemand

Isabelle Stock utilise un site internet. « Au-delà de liens vers des ressources, j’y mets des vidéos que j’appelle « classe inversée ». Traditionnellement, le cours se fait au collège et les exercices à la maison. Là, c’est le contraire. Je filme mes cours et je les mets en ligne, les élèves les regardent en dehors de mes heures. En classe, nous faisons les exercices, avec les explications en direct. J’enregistre aussi des corrections audio des devoirs. Plutôt que d’annoter les copies, j’enregistre les commentaires, chaque élève y accède sur mon site et peut les écouter en relisant son devoir. »

Possibilités infinies

Possibilités infinies

Benoît Didier, histoire-géo

Passionné d’informatique, Benoît Didier a aidé ses collègues à créer les socles de leurs sites internet. Dans sa discipline, il estime que « les possibilités sont infinies. En matière de ressources comme en matière d’outils. Avec les élèves, nous créons des diaporamas par thème, des frises chronologiques… Récemment, nous avons fait une carte interactive pour travailler sur la production d’hydrocarbures. Bien sûr, la matière principale, c’est l’histoire-géo. Mais c’est bien que les élèves acquièrent une maîtrise des outils numériques. »

Avec sa tablette, un élève dyslexique peut prendre une photo du cours. Il sera concentré sur le contenu plutôt que sur son écriture. Il recopiera plus tard, à son rythme.

Jean-Jacques Fito, principal

650 tablettes iPad de chez Apple seront à terme réparties entre élèves et enseignants du collège Vauban. Un investissement considérable financé en partie par l’État (380 € par tablette plus 30€ par élève, soit 265 000 €), et en partie par le conseil départemental. Le Département finance par ailleurs l’accès internet à très haut débit, le wifi distribué dans tout le collège, gymnase compris, les installations périphériques et la maintenance. Au total, le budget voisine le demi-million d’euros.

Samir Bourezg, en tant que formateur académique web et réseau sociaux, vous êtes intervenu devant les parents d’élèves du Vauban. Pour leur dire quoi ?

« Les rassurer et les aider. Ils sont demandeurs. Au départ, ma formation s’appelait “les dangers du web”. Comme je développe surtout du positif, j’ai changé le titre. Je suis moi-même un gros utilisateur des réseaux sociaux et des jeux vidéo, et je suis un père de famille équilibré. Le web, c’est comme une voiture. C’est très pratique et très utile, mais ça peut créer des accidents. Il faut comprendre les systèmes et apprendre à s’en servir. »

Au collège, quel est le pourcentage des élèves qui ont accès aux réseaux sociaux ?

« 100 % des élèves y sont exposés. À de rares exceptions près, ils ont au moins un smartphone, une tablette ou un ordinateur. Et même ceux qui n’en possèdent pas ont accès aux terminaux de leurs copains. »

Qu’y font-ils ?

« Ils partagent leur quotidien, avec beaucoup de photos et de selfies. Ils sont dans l’immédiateté. »

Que leur dites-vous pour les aider à y évoluer en sécurité ?

« J’ai trois phrases clef : “les réseaux sociaux ne sont pas un journal intime”, “le droit à l’oubli n’existe pas”, un serveur n’a ni perte de mémoire ni empathie, et surtout “avant de faire quelque chose en ligne, demande-toi si tu le ferais dans la vraie vie”. »

Comment leurs parents peuvent-ils les accompagner ?

« En les accompagnant, justement. Des ados qu’on laisse seul sur internet, et il y en a beaucoup, c’est cataclysmique. L’interdiction pure et simple ne sert à rien, il faut du bon sens et du dialogue. Même les parents qui ne s’y intéressent pas doivent dialoguer avec leur ado. Surveiller ce qu’il fait sur le web, ce n’est pas violer sa vie privée, c’est assurer son éducation. On ne lâche pas son enfant dans la rue sans l’avoir accompagné. Sur le web, c’est pareil. »

 

Fuzze, le réseau social du Vauban

Christophe Badiqué a développé Fuzze, le réseau social du collège.

C’est acquis, les tablettes remises aux collégiens n’accèdent pas aux réseaux sociaux. Sauf un : Fuzze, une application développée exprès pour permettre aux élèves et à l’équipe pédagogique du Vauban de communiquer entre eux.

« J’ai développé une application multisupports, qui fonctionne aussi bien sur une tablette que sur un ordinateur ou un smartphone, mais à laquelle seuls les élèves et le personnel du collège peuvent se connecter », explique Christophe Badiqué, informaticien récemment recruté par le collège. « Avec Jean-Jacques Fito, nous avons voulu créer un réseau social interne, qui permette aux élèves de communiquer entre eux et avec les enseignants. Ils peuvent poser des questions sur la vie du collège, absence d’un prof ou changement d’horaire par exemple. Ils peuvent aussi poser des questions d’ordre pédagogique, quand ils butent sur un exercice. Nous avons démarré un peu avant Noël. Le premier mois, il y a eu 96 questions posées et 381 réponses postées. » Pas d’anonymat sur Fuzze : les élèves créent leur compte avec leur vrai nom. Pas de photo de profil non plus, « pour éviter tout risque de moquerie ».

Les élèves ont d’autant mieux pris en main cet outil qu’il les responsabilise. « La plupart du temps, ce ne sont pas forcément des adultes qui répondent aux questions, les élèves communiquent entre eux. Jusqu’ici, il n’y a pas eu de dérapage », poursuit Christophe Badiqué. « La modération est assurée par les adultes de la vie scolaire et par des élèves de troisième à qui nous avons confié cette responsabilité. »

Et le CDI devint E3C

Le centre de documentation et d’information (CDI) du collège Vauban a été restructuré durant l’été 2015. Rebaptisé espace de culture et de connaissance connecté (E3C), il veut favoriser l’autonomie des élèves et favoriser le travail collaboratif. Organisé en mezzanines, il est accessible grâce à des “Pass” accordés aux élèves après avis des professeurs. Deux niveaux de Pass (E et M) distinguent les espaces auxquels les élèves ont accès.

L’E3C dispose d’un comptoir de e-assistance destiné à accompagner les élèves dans leur accès aux ressources numériques.

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Est Républicain – 22 février 2017